Un Alexis Tsipras congolais  nous  sortirait de l’immédiatisme et de l’inculture

Alexis_Tsipras

Il y a un exercice difficile auquel plusieurs d’entre nous ne semblent pas s’habituer : étudier les questions posées au Congo-Kinshasa en rapport avec celles qui se posent sous d’autres cieux.  Un exemple : la lutte actuelle d’Alexis Tsipras en Grèce intéresse le Congo-Kinshasa dans la mesure où elle est livrée contre l’idéologie économico-politique dominante du moment : le néolibéralisme porté par ‘’les nouveaux cercles du pouvoir’’. Si Alexis Tsipras ne renverse pas, avec ses électeurs, les rapports de force, au Congo-Kinshasa, le suffrage universel sera neutralisé par les forces du marché et cela en vue de la recolonisation de ce pays et de toute l’Afrique. Les plans allant dans ce sens sont déjà très avancés. Ils sont la conséquence directe de la crise de légitimité créée en 1961 après l’assassinat de Lumumba. Le Congo-Kinshasa doit résoudre urgemment la question de la direction. Il a besoin d’un ‘’Alexis Tsipras’’.

Critiqué sévèrement par les Congolais(es),  Joseph Kabila semble néanmoins nous imposer des questions d’actualité. Cela nous semble très grave ! Nous discutons presque tous de la liste  de corrompus  que ‘’le délateur Kabila’’ a transmis à  son ‘’ami’’ Procureur de la République. Nous discutons du calendrier électoral et du manque d’argent pouvant favoriser ‘’un glissement’’ conduisant  au maintien de Joseph Kabila comme calife à la place du calife. Nous discutons  du dialogue inopportun que JOKA est en train de proposer dans le mépris des propositions qui lui sont faites au sujet de la libération des prisonniers politiques.

Toutes ces questions immédiates semblent nous couper de notre histoire immédiate. C’est-à-dire celle de la guerre de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa par les élites dominantes anglo-saxonnes.

Quand  ces élites arrêtent Karenzi Karake, un membre du FPR dont Joseph Kabila fut proche pour avoir évolué dans la compagnie de James Kabarebe, les sujets de conversation au Congo-Kinshasa et même dans la diaspora, à quelques exceptions près, ne changent pas, ne l’intègrent pas.  Cette arrestation suscite très peu de curiosité. Des Rwandais cherchent quand même à en savoir plus en interrogeant des ‘’experts’’[1].  Ceux-ci opèrent là où, à travers leurs marionnettes, ils orchestrent le chaos  ou la division des pays en des petites entités opposables les unes aux autres pour créer effectivement le chaos.

La subdivision du Congo-Kinshasa en 26 provincettes participe de cette ‘’politique chaotique’’.  Les assassinats  et les autres massacres organisés aux alentours des élections  y participent aussi. Pourquoi ?
Pour une raison simple. Depuis  que ‘’les nouveaux centres du pouvoir’’, ces ‘’usurpateurs’’ dénommés entreprises transcontinentales cherchent à neutraliser le suffrage  universel, ils fomentent les guerres et les soulèvements au Sud pour imposer leurs pantins au ‘’pouvoir-os’’. Ils troquent  ‘’le pouvoir-os’’ contre  le bradage des mines et le détricotage  des Etats souverains au profit du marché auto-régulé. En effet, le marché auto-régulé s’est imposé au Congo-Kinshasa depuis les années 1980 et s’est re-imposé  après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila (le 16 janvier 2001). Et quand ceux qui, reconnaissant Joseph Kabila comme ‘’chef de l’Etat’’ estiment que le Congo-Kinshasa n’est pas compétitif, qu’il doit améliorer  ‘’le climat des affaires’’, ils font leur publicité  des pantins des néolibéraux. Ils croient faire la campagne électorale là où il n’est question que de la promotion du néolibéralisme.
Voilà pourquoi le Congo-Kinshasa, pour résoudre sa question de direction, aurait besoin, faute d’un Hugo Chavez, d’un Evo Morales ou d’un Rafeal Correa, d’un Alexis Tsipras  congolais. C’est-à-dire d’un compatriote ayant renoncé à la cravate pour dialoguer avec la troïka représentant ‘’les nouveaux cercles du pouvoir’’ en face. C’est-à-dire d’un compatriote qui, à l’exemple d’Alexis Tsipras, tient à la justice sociale, s’inscrit en faux comme les programmes d’ajustement structurel autrement dénommés ‘’mesures d’austérité’’ pour rendre la dignité à son peuple. C’est-à-dire d’un compatriote capable de renoncer au pouvoir si les initiateurs du ‘’coup d’Etat silencieux’’ contre son pays  venaient à avoir gain de cause dans les cœurs  et les esprits de ses congénères.
Il est curieux que pendant que les Congolais(es) se préparent à aller aux élections-pièges-à-cons, ils ne puissent s’intéresser à ce qui se passe en Grèce. Qu’ils puissent parler du dialogue sans identifier les véritables acteurs du système mortifère dans lequel ils se retrouvent. Qu’ils puissent  décocher toutes leurs flèches à l’endroit d’un mercenaire en coopérant avec  ses parrains.
Alexis Tsipras, lui, est allé directement vers ‘’les tueurs à gage économique ’’ des peuples et des Etats souverains. Il est resté fidèle à son programme de gouvernement. C’est-à-dire le programme pour lequel lui et son gouvernement ont été élus. Il ne l’a pas trahi comme François Hollande.
Tout en dialoguant avec ‘’les tueurs à gage économique’’, Alexis Tsipras est resté en contact permanent et avec l’assemblée nationale et avec ses électeurs. Il a communiqué à temps et à contretemps avec eux. Les rues de la Grèce se sont mobilisées pour soutenir sa démarche.
Elles ont dit majoritairement non aux diktats de ‘’nouveaux cercles de pouvoir’’.
Alexis Tsipras a, grâce à sa fidélité à son programme de gouvernement, créé des masses critiques le soutenant dans le renversement des rapports de force face à la troïka (BCE, FMI, CE).  Il l’a fait mains nues. Sans armes. Il se pourrait que ‘’le non’’ l’emporte au référendum grec du dimanche 05 juillet 2015. Le monde aura appris qu’il est possible qu’un homme décidé à rendre sa dignité à son peuple puisse renverser les rapports de force  face aux puissances  du jour avec l’appui de ce même peuple. Si ‘’le oui’’ à l’UE l’emporte, Alexis Tsipras aura gagné d’avoir lutté pour la démocratie économique, la justice sociale et la dignité de son peuple contre les forces  de la mort dont le pouvoir de décervelage et de lobotomisation est sans pareil. 
Savoir tout ceci exige un grand investissement intellectuel. Une bonne curiosité scientifique poussant à lire à temps et à contretemps, à être attentifs aux médias alternatifs et aux ‘’empêcheurs de penser en rond’’. Il y a là toute une inculture à combattre et une nouvelle culture générale à acquérir. Cela prend du temps. Et beaucoup de temps. Taper sur le clavier d’un ordinateur ne suffit pas. Il faut chercher, aller fouiner dans les bibliothèques et être prêt à s’engager dans une longue et laborieuse entreprise de la déconstruction des idées reçues de la pensée dominante.
 
Mbelu Babanya Kabudi

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