Crise politique en RDC : Freddy Matungulu propose trois pistes

By lephare – 

 La République Démocratique du Congo (RDC) traverse une grave crise institutionnelle. Si l’on y prend garde, celle-ci sera bientôt aggravée par des perturbations économiques de grande envergure. Dans la présente note, Freddy Matungulu, Initiateur du Parti Congo Na Biso
et cadre du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, en examine les soubassements et évoque la principale voie de sortie de la paralysie politique qui frappe la Nation.

La situation politique du pays est bloquée. L’impasse est totale. Le désordre politique actuel est clairement le résultat de la volonté délibérée du Président sortant, Joseph Kabila, d’user de tous les moyens de l’Etat pour empêcher la tenue de l’élection présidentielle qui, à la fin de cette année, aurait permis à la Nation congolaise de célébrer son premier transfert pacifique du pouvoir à la Magistrature Suprême.

Au plan économique, la gabegie financière et la mauvaise gouvernance des ressources publiques ont atteint des hauteurs criminelles. Bien plus, une chute brutale des cours des matières premières et une forte réduction de la croissance ont entraîné la fermeture de nombreuses entreprises, aggravant un niveau de chômage déjà endémique, principalement dans l’ex-province du Katanga.

Dans ce contexte, les recettes et équilibres budgétaires de l’Etat se sont dangereusement fragilisés. La dépréciation continue de la monnaie nationale, ces derniers mois, suggère que face à l’amenuisement des recettes, le gouvernement se sert de financements monétaires des déficits de ses comptes, faisant courir au pays le risque de revivre les affres de l’hyperinflation de triste mémoire. L’affaiblissement de l’économie ne pourra que s’accélérer si la crise politique actuelle persiste.

Perspectives politiques sombres, mais espoirs permis

Les derniers mois ont permis un recentrage et une consolidation utiles du paysage politique national. En effet, face aux faiblesses notoires du Dialogue facilité par l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo, deux grands regroupements politiques se sont constitués
ces derniers mois au Congo. Avec des visions diamétralement opposées.

Le premier est celui du président Joseph Kabila et ses Alliés. Réuni à la Cité de l’Union Africaine, ce groupe a une seule mission et une seule ambition: pérenniser le règne du Président sortant.

En récompense pour précieux service rendu au camp présidentiel, les Alliés de la «kabilie» auraient reçu du pouvoir la ferme assurance de diriger le gouvernement de glissement tant redouté. Une promesse largement utilisée comme appât pour débaucher de nombreux acteurs de l’opposition qui, aujourd’hui, ne jurent plus que par le maintien, à tout prix, de Joseph Kabila à la tête de la RDC au-delà de la fin constitutionnelle de son second et dernier mandat.

Comment le Président Kabila, premier responsable du blocage politique actuel, pourra-t-il être demain l’homme de la situation, l’artisan de la solution ? Telle est l’urgente question à laquelle ses soutiens du dialogue piloté par Edem Kodjo doivent répondre. D’autant plus que le chef de l’Etat lui-même continue de savamment cultiver le mystère sur ses intentions et son avenir politique.

Credo du Rassemblement : départ de Kabila le 20 décembre 2016

Le deuxième regroupement politique est celui du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement. Ce camp est composé des acteurs politiques de l’UDPS et Alliés, de la Dynamique de l’Opposition, du G7, et de l’Alternance pour la République. Il est
sous l’autorité d’Etienne Tshisekedi, Président de son Conseil des Sages. Ne participant pas au dialogue conduit par Edem Kodjo, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba est un Allié de fait de ce groupe qui demande le départ de Joseph Kabila du
pouvoir le 20 décembre 2016.

Comme l’exige la Constitution, le Rassemblement estime que Joseph Kabila ne peut rester au pouvoir au-delà du 19 décembre 2016. En effet, la Constitution est claire : le président de la RDC est élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois (cfr article 220
de la Constitution).

Au-delà de cette exigence de la loi fondamentale, les membres du Rassemblement n’ont pas confiance au Président Kabila. Convaincus de sa mauvaise foi, ils croient fermement que s’il est maintenu à la tête de l’Etat au-delà de la limite constitutionnelle de son mandat, l’actuel locataire du Palais de la Nation mettra tout en œuvre pour donner le coup de grâce à un processus électoral déjà moribond et faire aggraver la crise politique pour, enfin, enterrer l’ordre institutionnel actuel.

En effet, le silence brouillant du Président, ses rares sorties médiatiques épicées à l’étranger ces derniers mois, mais aussi ses faits et gestes en disent long sur sa volonté de donner vie au secret de polichinelle PPRD du moment : le lancement d’une nouvelle Constitution taillée sur mesure, permettant à Joseph Kabila de s’offrir la présidence à vie que même feu le Président Mobutu n’avait pu imposer au peuple congolais.

Nous devons tout faire pour sortir la RDC du dangereux flottement politique actuel, car un chaos institutionnel généralisé aurait des conséquences socio-économiques inimaginables. Les émeutes des 19 et 20 septembre en ont donné un amer avant-goût.

La RDC doit, au plus tôt, être remise sur la voie de la raison et du progrès. L’égarement sociopolitique et la paupérisation continue des populations ne peuvent être une fatalité pour ce grand pays.  Fort heureusement, des raisons d’optimisme existent et, comme au début des années 2000, de nouvelles opportunités de bien faire peuvent être
créées.

Dialogue inclusif : trois objectifs

Pour y arriver, il est urgent que commence un vrai Dialogue national inclusif. Ce dernier serait l’occasion de réaffirmer le consensus national sur l’indispensable respect de la Constitution du pays, sine qua non de la mise en place d’un environnement institutionnel qui favorise la bonne gouvernance politique et économique, et permet le déploiement de politiques efficaces de lutte contre la pauvreté. Ce dialogue doit avoir trois grandes finalités : Primo : Rendre explicite la fin définitive du mandat du Président sortant ; définir les conditions et modalités de son départ du pouvoir le 20 décembre 2016 ; et acter sa non-participation à la prochaine
élection présidentielle;
Secundo : Développer un consensus sur la personne devant assurer l’intérim du Président de la République pendant la période de préparation de l’élection présidentielle, suivant les prescrits de la constitution du pays ;
Tertio : Examiner les exigences techniques et financières d’une organisation judicieuse de l’élection présidentielle ; et définir le nouveau calendrier électoral et les mécanismes institutionnels de sa mise en œuvre.
Le dialogue inclusif devrait démarrer rapidement et être piloté par une personnalité africaine de grande envergure politique et morale, mais surtout convaincue des vertus de la démocratie, y compris pour l’Afrique.

Freddy Matungulu
Mbuyamu IlanKir
Initiateur de Congo
Na Biso (CNB)

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