RDC: Constitution, Primature, Kabila brouille les pistes

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par Christophe RIGAUD

Une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies a tenté de démêler la crise politique ce week-end.
Mais une déclaration de Joseph Kabila concernant une possible révision de la Constitution a jeté le trouble et la confusion. 

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Joseph Kabila a reçu ce samedi la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU à Kinshasa © Monusco – DR
Pas sûr que la mission de l’ONU soit repartie rassurée de Kinshasa. Censée trouver une porte de sortie à la crise politique congolaise, les ambassadeurs des Nations unies ont surtout constaté les profondes divergences qui subsistent entre la majorité et l’opposition, malgré l’accord signé à l’issu du dialogue politique fin octobre. Mais ce sont surtout les propos du président Joseph Kabila, tenus devant la délégation onusienne, qui inquiètent. Le chef de l’Etat, plutôt que de jouer la clarté sur son avenir politique, a brouillé les cartes en évoquant une possible modification de la Constitution pendant la période transitoire qui pourrait lui permettre de briguer un nouveau mandat, ce que lui interdit l’actuelle Constitution. Répondant à une question du représentant du Royaume-Uni, Stephen Hickey sur un hypothétique troisième mandat, le président Kabila a précisé que la Constitution était claire sur la limitation à deux du nombre de mandats, mais qu’il était possible de l’amender. Avant d’ajouter qu’il était « curieux que le Conseil de sécurité de l’ONU se focalise sur une violation de la Constitution en RDC alors qu’il y a tellement d’autres violations dans la région. » En d’autres termes, Joseph Kabila ne ferme pas la porte à une modification du texte fondamental lui permettant d’être de nouveau candidat aux prochaines élections.

« Que cette visite soit la dernière »

Les propos de Joseph Kabila apparaissent donc bien peu rassurants alors que la République démocratique du Congo (RDC) est plongée depuis plusieurs mois dans une crise politique profonde. L’opposition accuse en effet le président congolais d’avoir retardé volontairement le processus électoral afin de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat, le 19 décembre 2016. La Cour constitutionnelle a d’ailleurs opportunément autorisé l’actuel chef de l’Etat à rester à son poste jusqu’à l’organisation des prochaines élections, fixées pour le moment fin avril 2018, soit un an et demi de prolongation de mandat. Si le porte-parole du gouvernement a tenté d’arrondir les angles après les propos présidentiels en précisant que Joseph Kabila « est un homme qui n’a jamais violé un engagement », Lambert Mende a également souhaité, dans un entretien au site Actualité.CD, que « cette 13ème visite du Conseil de sécurité soit la dernière ». Une déclaration qui sonne comme un avertissement à la communauté internationale, des plus en plus préoccupée par la dégradation de la situation en RDC.

Droit à manifester, rétablissement de RFI…

Il faut dire que les reproches de l’ONU sont nombreux envers Kinshasa. La délégation du Conseil de sécurité a appelé à un processus politique « plus inclusif » permettant « une transition pacifique qui doit conduire à des élections apaisées. » Des conditions, qui pour le moment, sont loin d’être  remplies. Le Rassemblement de l’opposition, qui a boycotté le dialogue, a réaffirmé devant les délégués de l’ONU sa volonté de voir les élections se tenir en 2017, et non en 2018, mais surtout de voir partir Joseph Kabila au soir du 19 décembre. Ce que n’accepte pas la majorité présidentielle. La délégation de l’ONU a également demandé aux autorités congolaises le respect du droit à manifester, alors que la mobilisation de l’opposition du 5 novembre dernier avait été interdite par le gouverneur de Kinshasa. Autre exigence de l’ONU : le rétablissement du signal de Radio France Internationale (RFI), coupé depuis plus d’une semaine à Kinshasa. Les autorités accusent en effet la station de « trop laisser s’exprimer les opposants » au président Kabila. Enfin, la délégation de l’ONU s’est exprimée sur le sort des prisonniers politiques, dont elle demande la libération. Une liste de ces derniers a été demandée par le président Kabila… élément cocasse puisque cela fait plusieurs fois qu’une telle liste est communiquée aux autorités… sans effet pour le moment.

Kabila n’a pas renoncé au pouvoir

La visite du Conseil de sécurité à Kinshasa, si elle n’a évidement rien réglé, aura eu le mérite de mettre en lumière les intentions du camp présidentiel et ce, malgré l’accord politique qui vient tout juste d’être signé avec une frange de l’opposition. Les échanges entre l’ONU et le chef de l’Etat démontrent que ce dernier n’a clairement pas renoncé au pouvoir… et bien au-delà de la période intérimaire. Le président congolais compte bien profiter du répit de la « transition » pour organiser son maintien au pouvoir : modification de la Constitution, référendum… ou encore nouvelle prolongation de la période intérimaire (les justifications ne manqueront pas : manque de moyens financiers, problèmes techniques, difficultés de révision du fichier électoral… ).

Morceler un peu plus l’opposition

Joseph Kabila pourrait continuer de jeter le trouble sur la situation politique concernant la nomination imminente du nouveau Premier ministre issu de l’opposition. Ce week-end, les tractions allaient bon train à Kinshasa, où le Rassemblement affirmait avoir été contacté pour la Primature, alors que le poste doit revenir à un membre de l’opposition présent au dialogue (ce qui n’est pas le cas du Rassemblement). Une déclaration qui devrait inquiéter Vital Kamerhe, à la tête de la délégation de l’opposition au dialogue, et en pôle position pour récupérer le poste de Premier ministre. Au final, Joseph Kabila a encore beaucoup de carte entre les mains pour brouiller l’échiquier politique et continuer à morceler l’opposition. Et ce n’est visiblement pas une visite du Conseil de sécurité à Kinshasa qui l’empêchera de s’accrocher à son fauteuil.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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