Dieu et l’Argent au Congo-Kinshasa !

J’écris sur  »Dieu et l’argent » en sachant que, de plus en plus, il y a des compatriotes incroyants, athées ou gnostiques. Dans ce contexte, le débat public reste l’un des meilleurs lieux où, à travers des échanges permettant un apprentissage en commun, certaines croyances et convictions peuvent être questionnées, revues, enrichies et/ou corrigées au profit de l’intérêt général et du bonheur collectif à bâtir et à partager.

Le Congo-Kinshasa est l’un des pays où le nom de Dieu est mangé à toutes les sauces. Il est ce pays où la Bible est le livre le plus lu. Au cours de  »la campagne électoraliste » préparant aux élections-pièges-à-cons, les discours de propagande sont contredits par des gestes de distribution et de jet d’argent, de pagnes et d’autres biens de consommation dont les masses populaires sont privées en temps normal. Pendant que certains candidats disent qu’ils vont, une fois  »au pouvoir », combattre la corruption, ils distribuent les billets de banque ! Et publiquement, ils sont bénis par  »les pasteurs ».

Dieu merci ! La magie de Nouvelles Technologies de la Communication et l’Information facilitent la tâche aux compatriotes fréquentant les réseaux sociaux. Tout est filmé ou photographié et mis sur la place publique  : l’argent et sa distribution,  »les pasteurs » bénissant les candidats, les billets de banques stockés dans les voitures ou tout simplement entre les mains de ces candidats.

Enfant, à l’école primaire, j’apprenais à rédiger mes rédactions sur les thèmes du genre :  »L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître » ou  »on ne peut pas servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent ». Le spectacle auquel plusieurs de nos compatriotes assistent médusés au Congo-Kinshasa, dans un contexte dominé par  »l’évangile de prospérité individuelle » et de la perte de la boussole éthique dans le chef de certains  »candidats à la présidentielle », trahit une certaine inversion des valeurs. Il dit l’élévation de l’Argent au niveau de  »Dieu » et la promotion du vol, de la volonté de domination,de la cupidité sans bornes et du mépris des gens. Cette inversion de valeurs est l’une des causes fondamentales des crimes contre l’humanité. (Lire T. TODOROV, Les ennemis intimes de la démocratie, Paris, Robert Laffont, 2012).

Quand, les masses populaires congolaises appauvries ramassent les billets de banque qui leur sont jetés, par exemple, elles acceptent d’être méprisées par  »les nouveaux prédateurs », seigneurs du crime. Elles s’enferment dans un cercle vicieux où elles auront du mal à sortir. Si elles rejettent, aux élections-pièges-à-cons,  »les nouveaux prédateurs » leur ayant distribué de l’argent et des pagnes, ils reprendront les armes, attiseront  »leurs cellules dormantes » ou coaliseront avec les groupes armés pour les tuer afin que leur volonté de domination triomphe et qu’ils aient toujours accès à l’Argent-Dieu. Ces  »nouveaux prédateurs » ont fait de l’argent  »une arme de destruction massive ».  »La concentration de l’argent en quelques mains permet d’attaquer sur tous les fronts les droits sociaux, la démocratie, l’environnement, jusqu’à l’humanité même. » ( M. PINCON et M. PINCON-CHARLOT, Les prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir, Paris, Textuel, 2017, p. 20)

Les masses populaires congolaises devraient être averties par le fait qu’au Congo-Kinshasa il n’y ait plus tellement de différence à établir entre  »la gauche » et  »la droite »,  »le centre »,  »l’extrême droite » ou  »l’extrême gauche ». Les politicards passent d’un  »regroupement politique » à un autre sans gêne.

Copains et coquins,  »négriers des temps modernes », à quelques exceptions près, ils partagent  »la pensée unique » de l’accès à la mangeoire et de l’expansion du néolibéralisme dont les conséquences négatives se font de plus en plus sentir à travers un Occident dévorant ses propres enfants (http://www.voltairenet.org/article204180.html).

L’évocation de Dieu par  »les nouveaux prédateurs » ayant élevé l’argent à son niveau est une façon d’abuser de la crédulité des populations congolaises appauvries dans  »un monde sans esprit » où l’intérêt immédiat, le profit individuel, est en train de vider les cœurs de toute compassion et de tout esprit de fraternité (collective) et d’entretenir  »la politique du diviser pour régner ».

Au Congo-Kinshasa, toute la question reste aussi de savoir en quel Dieu nous croyons. En un  »Dieu -Amour-Miséricorde » ou dans les idoles que sont l’or et l’argent, ces œuvres fabriquées par les mains humaines dont il est question dans le psaume 113b.

De toutes les façons, le langage religieux est performatif. Il se vit et s’évalue à partir des fruits qu’il produit. Mais il peut aussi être instrumentalisé et idéologisé. Mêler Dieu à toutes les sauces peut symboliser  »la misère spirituelle  » d’une population désaxée, désorientée, à la recherche d’un appui, d’un bouclier. Engagée sur cette voie, elle peut devenir une victime consentante ou ignorante de sa soumission aux diktats de  »nouveaux prédateurs » l’ayant, par mépris, cupidité et volonté de domination, réduite au rang de  »non-personne ».

J’écris sur  »Dieu et l’argent » en sachant que, de plus en plus, il y a des compatriotes incroyants, athées ou gnostiques. Dans ce contexte, le débat public reste l’un des meilleurs lieux où, à travers des échanges permettant un apprentissage en commun, certaines croyances et convictions peuvent être questionnées, revues, enrichies et/ou corrigées au profit de l’intérêt général et du bonheur collectif à bâtir et à partager.

Cela étant, les images livrées par les réseaux sociaux de certains candidats  »à la présidentielle » et de leurs sous-traitants distribuant ou jetant l’argent aux compatriotes pourraient témoigner du  »dieu-mammon » en qui ils croient fermement.  »Un dieu  » transformé en une  »arme de destruction massive » des populations congolaises appauvries.

Il est encourageant de remarquer qu’il y a des jeunes se lever et aller vers leurs compatriotes pour leur demander de ne pas vendre  »leur bomoto ». Ils les engagent dans une lutte démonétisant l’argent pillé au Congo-Kinshasa. Ces jeunes initient une thérapie collective participant de la remise des cerveaux à l’endroit, de la guérison des cœurs et des esprits de la soumission aux  »nouveaux prédateurs » . J’espère qu’ils vont persévérer et étendre leur action à travers tout le pays. Eduquer les cœurs et les esprits est un devoir citoyen.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

 

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