LES CONDITIONS QUI SAUVENT KABILA

Par Maître Tshiswaka Masoka Hubert
Avocat et Directeur Général de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH).

INTRODUCTION

Les membres du Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Démocratie (PPRD) et leurs alliés du Front Commun pour le Congo (FCC) sont vivement préoccupés par leurs sorts individuels. Face à l’incertitude causée par une débâcle en continue, ces dirigeants de l’ancien regime se divisent en trois groupes. Stratégie ou débâcle, importe peu. Il s’observe : (i) Ceux qui jouent le jeu radical, autour du Président KABILA, (ii) ceux qui acceptent la défaite et préconisent des réformes internes, et (iii) ceux qui prennent le risque de quitter leur camp politique, tambour battant, afin de se constituer ou rejoindre le camp des nouveaux alliés du Président TSHISEKEDI. Bien que repartis, tous rencontrent des sérieuses difficultés, devant la problématique de survie.

La présente analyse se focalise sur les conditions de survie ou pour « sauver » le Président KABILA KABANGE Joseph, devenu « un patrimoine national », contrairement aux trois camps politiques qui sont des faits privés soumis aux intempéries de l’essence même de la politique. Cependant, la critique ne peut être logique, si elle ne se réfère aux avantages ou risques de s’allier à l’un ou l’autre groupe.

PREMIERE CONDITION : GERER SON PROPRE SUCCES.

Le Président KABILA a le devoir de se focaliser sur sa propre vie politique. Il a réussi à obtenir une position historique lui consacrée par des instruments juridiques du Pays qui le différencient des autres politiciens déchus. Tenez. Il combine les deux statuts d’Ancien Président de la République[1] et de Sénateur à vie.[2] Contrairement à tous ses lieutenants qui sont dans l’incertitude totale et courent le risque de tout perdre. A titre illustratif, la Présidente de l’Assemblée Nationale a déjà perdu son poste, l’avenir du Président du Senat repose sur une motion en gestation, le Premier Ministre, ainsi que tous les membres de son Gouvernement ne savent à quel saint se vouer.

La première condition appelle le Président KABILA à gérer avec sagesse son succès personnel. En contrepartie des avantages qui lui procurent les deux statuts combinés, il y a des restrictions liées a sa politique et privée. A titre illustratif, la loi portant statut des anciens présidents, dit en substance, a son article 4 qu’« aucune soustraction, ni exonération aux devoirs prévus par la Constitution et par la loi ne peut être accordée au préjudice des intérêts de l’Etat congolais, de ses institutions ou de son peuple. » Et, l’article 5 rappelle les obligations suivantes :

« Tout ancien Président de la République élu est soumis à une obligation générale de réserve, de dignité, de patriotisme et de loyauté envers l’Etat […]

L’obligation de dignité consiste à adopter un comportement ou des attitudes qui ne violent pas la loi, ni ne portent atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

L’obligation de patriotisme et de loyauté envers l’Etat implique une disponibilité permanente à faire montre d’une fidélité sans faille envers la Nation, le peuple congolais et les Institutions de l’Etat ».

En bref, la logique découlant de ses deux statuts veut que le Président KABILA se distancie de ses conseillers qui l’exposent aux fautes et comportements qui fâcheraient les lois de la République.

DEUXIEME CONDITION : CONSTITUER UN NOUVEAU CABINET.

Les collaborateurs du Président KABILA ne parviennent pas à lire les indicateurs du destin de leur Maître. Plusieurs auraient atteint leur ménopause intellectuelle qui les empêcherait de se surpasser et orienter leur Maître vers des nouveaux horizons où il pourrait servir indistinctement ses concitoyens, la Nation et l’Humanité toute entière.

Les uns le renferment dans une sphère tribale. Ce qui explique le discours du week-end, à Kolwezi et à Lubumbashi, selon lequel KABILA, issu d’une mère Rund et d’un père Muluba-Kat, devrait rester « chez lui au Katanga » où ses frères et sœurs seraient prêts à mourir pour lui. Au fait, venus avec le drapeau de la République (Etat Indépendant) du Katanga, ils veulent lui trouver une place aux côtés de KYUNGU Gédéon, « dans la lutte pour la terre des ancêtres ». Ils le rabattent au ridicule et stérile débat des Katangais contre des Kasaiens ou des non-originaires.

Les autres continuent à le réduire au rôle d’« AUTORITE MORALE » du parti politique. Parmi eux, des réformateurs craignant de lui demander de prendre congé du parti, et, ceux qui le mettent en avant-plan, tout lui miroitant l’image d’un ROI DECHU qui doit être sauvé par des patriotes, contre des méchants ambassadeurs américains et européens en mal de l’arrêter, en complicité avec les nouveaux dirigeants.

La deuxième condition porte sur la compréhension du succès ayant conduit au rôle d’ancien Président de la République et Sénateur à vie. Si KABILA ne sait pas gérer son propre succès politique, il prendra la place de ses lieutenants qui l’abandonneront dans la déchéance.  Il est de son devoir de se libérer de ceux qui font de lui leur fonds de commerce politique.

TROISIEME CONDITION : SE TOURNER VERS L’AVENIR.

Hormis le leader de l’Eglise Catholique, la RDC a deux autres personnalités politiques phares : Le Prix Nobel de la Paix et l’Ancien Président de la République et Sénateur à Vie.

Le Cardinal et le Prix Nobel de la Paix se taillent leur chemin dans la vie de la nation, indépendamment des dirigeants et opinions politiques. Ils se font respecter, au niveau national et international, car ils se mettent au-dessus de la dynamique relative à la conquête/conservation du pouvoir. Leurs positions les appellent à observer un langage diplomatique, des prises de positions politiques de sagesse et l’exercice permanent de se rallier la plus grande frange de l’opinion publique.

Ces deux personnalités se remettent en cause régulièrement, afin de se mettre sur le même diapason que le peuple. Elles évitent de se retrouver au milieu des graves violations des droits humains ou des polémiques qui heurtent l’opinion publique. Elles sont vouées aux causes universellement acceptables. L’une poursuit la FOI chrétienne ; l’autre milite pour la JUSTICE et la réparation en faveur des victimes des violences sexuelles.

Ainsi donc, la troisième condition pour sauver KABILA est qu’il se remette en cause et se hausse au-dessus de la mêlée, par rapport à son agenda politique. Qu’il analyse et résolve des accusations de graves violations des droits humains qui pèsent contre lui et qu’il se trouve une cause noble universellement acceptable.

CONCLUSION.

Il appartient au Président KABILA de gérer son succès et ne pas s’encombrer de lieutenants en déchéance. Là où MABUNDA LIOKO Jeannine et THAMBWE MWAMBA Alexis ont échoué, ni le Patriote KIKAYA BIN KARUBI, ni le Pasteur MULUNDA NYANGA ne réussiront.

Un nouveau cabinet avec des nouvelles personnes, intellectuellement fécondes permettrait de regarder vers des nouveaux horizons, au pays et/ou sur le plan international. Il est des prérogatives du Président KABILA de donner un contenu à ses statuts honorifiques, afin de servir la Nation, à travers une cause commune universellement acceptable. A défaut, il donnera des moyens de droit à ses adversaires politiques qui n’hésiteront de le mettre à la disposition de la Justice.

 



[1] LOI N°18/021 DU 26 JUILLET 2018 PORTANT STATUT DES ANCIENS PRESIDENTS DE LA REPUBLIQUE ELUS ET FIXANT LES AVANTAGES ACCORDES AUX ANCIENS CHEFS DE CORPS CONSTITUES.

[2] Constitution de la République Démocratique du Congo telle que modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, Article 104, Alinéa 7.

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