L’Asadho à Joseph Kabila : « Accepter un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat serait une remise en cause des valeurs démocratiques »

L’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) a adressé, lundi 24 août 2015, une lettre ouverte au président congolais Joseph Kabila pour dire son opposition à un éventuel troisième mandat du chef de l’Etat, jugé anticonstitutionnel. L’organisation dénonce également une instrumentalisation des médias publics par les partisans du troisième mandat.

« Accepter un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat serait une remise en cause de ces valeurs démocratiques que vous aviez défendues lors du referendum constitutionnel de 2005 et durant tous vos deux mandats », avertit-elle .

Ce serait aussi porter atteinte à un des principes qui constituent le socle de l’édifice démocratique pour lequel beaucoup de congolais ont payé de leur vie.

La remise en question de ces principes démocratiques mettrait fin aux consensus qui permet aux congolais de vivre ensemble, malgré leur appartenance politique, régionale, religieuse et tribale différente.

Nous gardons l’espoir que vous ne suivrez pas les conseils de certains Congolais qui vous poussent à accepter un troisième mandat, ce serait une erreur politique grave pour vous qui avez consacré une partie de votre vie à l’avènement d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo ».

C’est une nouvelle pierre que vient de jeter l’Asadho dans le débat autour de la question d’un éventuel troisième mandat de Joseph Kabila à la tête de la République démocratique du Congo.

Dans une lettre envoyée lundi au président (reprise en intégralité sur plusieurs sites congolais), l’Asadho dénonce les « appels à la violation de la Constitution».

L’Asadho demande à Kabila de « rappeler ses troupes à l’ordre »

Interrogé par RFI, Jean-Claude Katende, président de l’Association de défense des droits de l’homme, fustige notamment les interventions régulières des proches du président Joseph Kabila, qui lancent des appels à un troisième mandat, notamment sur la Radio télévision nationale congolaise (RTNC).

« La RTNC est une institution publique, financée par les contribuables congolais. Nous ne pensons pas qu’il soit acceptable que l’on se serve de cet outil, qui appartient à tous les Congolais, pour appeler à la violation de la Constitution », dénonce Jean-Claude Katende.

L’Asadho pointe « le silence du président de la République, qui ne rappelle pas ces troupes à l’ordre ». Selon l’association, M. Kabila laisse faire les appels à une candidature de sa part à un troisième mandat, « alors que cette possibilité ne lui est pas reconnue par la Constitution de notre pays ».

Me Katende critique l’exemple burundais et la crainte des violences

« Si la situation dégénère, ce sont nos vies qui vont être affectées », justifie Jean-Claude Katende, qui pointe les risques d’une escalade comparable à celle qui touche le Burundi.

Il faut que Joseph Kabila « se prononce de manière claire pour dire qu’il ne va pas briguer un troisième mandat, demande le président de l’Asadho. Parce que, pour nous, le troisième mandat risquerait de nous plonger dans la crise qui est connue aujourd’hui par le Burundi. »

Et pour Jean-Claude Katende, les violences qui résulteraient d’une telle crise seraient « très grandes par rapport à ce qui se passe au Burundi ». Pour lui, « le peuple n’est pas prêt à accepter une nouvelle transition, qui serait conduite par le président Kabila, et encore moins un nouveau mandat ou un troisième mandat pour ce dernier ».

L’Association africaine de défense des droits de l’Homme (Asadho) demande dans un communiqué à Joseph Kabila de « rappeler à l’ordre la RTNC (chaîne publique), les acteurs politiques de la majorité présidentielle et les ministres pour qu’ils mettent fin aux appels à la violation de la constitution ».

Le climat politique est tendu en RDC à l’approche d’une série d’élections qui doit commencer en octobre et s’achever par la présidentielle, prévue en novembre 2016. La Constitution congolaise interdit au président Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais l’opposition et une partie de la majorité accusent son camp d’œuvrer pour qu’il puisse briguer un troisième mandat ou se maintenir en poste au-delà du délai légal.

Des détracteurs du président ont récemment qualifié de pré-campagne déguisée en faveur de M. Kabila la couverture d’inaugurations de travaux publics (pont, routes, chemins de fer…) par la RTNC, qui relaie quotidiennement les activités du chef de l’Etat et du gouvernement.

Alors que le président Kabila ne s’est jamais publiquement exprimé sur ses intentions, l’Asadho s’inquiète de son « silence » sur les « appels à la violation la constitution », qui pourraient « faire croire » qu’ils « seraient faits avec son aval direct ou indirect ».

Or, « accepter de briguer un troisième mandat ou de prolonger votre mandat actuel au-delà de décembre 2016 serait une décision grave et scandaleuse » qui « exposera notre pays à des troubles politiques et sociaux », conclut l’association, faisant notamment référence à de meurtrières manifestations en janvier.

En janvier, principalement à Kinshasa, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées au cours de manifestations violentes, réprimées par les forces de sécurité. Les manifestants dénonçaient un projet de loi électorale qui aurait pu permettre à M. Kabila de rester plus longtemps à la tête du pays.

Face aux défis de l’alternance en RD Congo, l’Asadho interpelle « Joseph Kabila » sur les conséquences d’un « 3ème mandat».

Dans une lettre ouverte adressée au président sortant, datée du 24 août 2015, l’association de défense des droits de l’Homme (Asadho) tire

la sonnette d’alarme. Sous la signature de son président Jean-Claude Katende, cette organisation citoyenne rappelle en liminaire « plusieurs lettres » qu’elle a déjà adressées à l’actuel locataire du Palais de la nation « au sujet du respect de la Constitution et de l’alternance démocratique » au Congo-Kinshasa.

Et d’ajouter : « Au regard des dispositions constitutionnelles précitées, les appels à un troisième mandat en votre faveur constituent des appels à la violation de la Constitution de la République ».

« Tout en refusant de croire que ces appels soient faits avec votre aval, puissions-nous vous prier de prendre toutes les mesures urgentes pour que la Constitution de la République dont le respect constitue une garantie de la paix sociale et de la stabilité politique durables pour tous les congolais soit respectée par tous les Congolais, en particulier par les membres de la Majorité Présidentielle ».

Après avoir évoqué la « crise de légitimité » que pourrait engendrer une telle violation de la charte fondamentale, l’Asadho de prévenir : « (…)

un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat en violation de la Constitution vous mettrait dans la condition où vous perdrez non seulement la légalité mais aussi toute légitimité de votre pouvoir ». Et de conclure : « Un troisième mandat pour vous signifierait que vous garderiez le pouvoir en violation de la Constitution, ce qui donnerait le droit à tout congolais de s’y opposer conformément aux dispositions de l’article 64 de notre Constitution ».

Ci-après le texte intégral de la lettre ouverte de l’Asadho.

A Son Excellence Monsieur Joseph Kabila, Président de la République Démocratique du Congo de et à KINSHASA.

Concerne : Appels à la violation de la Constitution.

Excellence Monsieur le Président de la République,

L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme, ASADHO en sigle, est impliquée dans les questions des droits de l’Homme et de développement démocratique en République Démocratique du Congo depuis plus de deux décennies. C’est en raison de cette mission qu’elle vous a déjà écrit plusieurs lettres au sujet du respect de la Constitution et de l’alternance politique en République Démocratique du Congo.

Nous vous adressons la présente en rapport avec l’article 69 de la Constitution qui confie au Président de la République la charge de «veiller au respect de la Constitution ».

Excellence Monsieur le Président de la République

Depuis un certain temps, il y a à la RTNC, une institution publique financée avec l’argent du contribuable congolais et sensée être au service de tous, des émissions et des éditoriaux mobilisant et préparant les congolais à accepter qu’il vous soit accordé un troisième mandat.

Certains ministres, membres du Gouvernement de la République, et acteurs politiques appartenant à la Majorité Présidentielle ne cessent de lancer des appels allant dans le même sens.

Ces différentes interventions faites sur les antennes de la RTNC ou de certaines radios et télévisions internationales constituent des véritables appels à la violation des articles 70 et 220 de la Constitution de la République Démocratique du Congo.

Pourriez-vous permettre, Excellence Monsieur le Président de la République, que nous rappelions que l’article 70 dispose que « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvellement une seule fois… ».

Et l’article 220 renforce l’article 70 dans la mesure où il dispose que «…le nombre et la durée des mandats du Président de la République… ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ».

Au regard des dispositions constitutionnelles précitées, les appels à un troisième mandat en votre faveur constituent des appels à la violation de la Constitution de la République.

Au regard de la charge que l’article 69 de la Constitution vous confie de respecter et de faire respecter la Constitution, nous aurions souhaité que vous interveniez pour rappeler à l’ordre la RTNC, les acteurs politiques de la Majorité Présidentielle et les ministres pour qu’ils mettent fin aux appels à la violation de la Constitution de la République.

Fort malheureusement, nous nous rendons compte que le Président de la République garde un silence qui nous inquiète et qui risque de nous faire croire que ces appels à la violation de la Constitution seraient faits avec son aval direct ou indirect.

Tout en refusant de croire que ces appels soient faits avec votre aval, puissions-nous vous prier de prendre toutes les mesures urgentes pour que la Constitution de la République dont le respect constitue une garantie de la paix sociale et de la stabilité politique durables pour tous les congolais soit respectée par tous les congolais, en particulier par les membres de la Majorité Présidentielle.

Excellence Monsieur le Président de la République

Malgré le fait que nous croyons que vous alliez respecter la Constitution, en vous retirant de la présidence de la République à la fin de votre second mandat, il y a quand même des faits troublants qui nous permettent de dire que « Le troisième mandat qui est réclamé pour vous ou la prolongation de votre second mandat n’est pas une solution aux problèmes de la RD Congo, mais un troisième mandat serait un problème pour vous-même et pour tous les congolais ».

Nous pensons qu’un troisième mandat pour vous ou la prolongation de votre second mandat serait un problème pour les raisons suivantes :

1. La remise en question des acquis démocratiques.

Depuis la promulgation de la Constitution en 2006 à ce jour, plusieurs acquis démocratiques ont été réalisés grâce à votre implication personnelle dans le processus de démocratisation de notre pays. Ces acquis seront considérés par les générations futures comme quelques-uns des points positifs de votre passage à la tête de notre pays.

Parmi ces acquis, il y a lieu de mentionner notamment :

– Le Pluralisme politique et syndical,

– L’organisation des élections législatives et présidentielles en 2006 et 2011 ;

– La consécration des droits fondamentaux et libertés publiques ;

– La limitation de la durée et du nombre des mandats du Président de la République, garantie de l’alternance politique.

Nous savons tous que ces quelques principes démocratiques ne sont pas mis en œuvre de manière satisfaisante. Il y a eu des erreurs, des faiblesses, mais nous reconnaissons qu’il est possible d’améliorer ce qui existe déjà. La volonté de tous les congolais est sollicitée pour que ces progrès soient consolidés, mais encore plus votre propre volonté en tant que Président de la République.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Accepter un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat serait une remise en cause de ces valeurs démocratiques que vous aviez défendues lors du referendum constitutionnel de 2005 et durant tous vos deux mandats.

Ce serait aussi porter atteinte à un des principes qui constituent le socle de l’édifice démocratique pour lequel beaucoup de congolais ont payé de leur vie.

La remise en question de ces principes démocratiques mettrait fin aux consensus qui permet aux congolais de vivre ensemble, malgré leur appartenance politique, régionale, religieuse et tribale différente.

Nous gardons l’espoir que vous ne suivrez pas les conseils de certains congolais qui vous poussent à accepter un troisième mandat, ce serait une erreur politique grave pour vous qui avez consacré une partie de votre vie à l’avènement d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo.

2. L’instabilité du pouvoir présidentiel.

Excellence Monsieur le Président de la République, un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat en violation de la Constitution vous mettrait dans la condition où vous perdrez non seulement la légalité mais aussi toute légitimité de votre pouvoir.

Un pouvoir que vous ne détiendriez plus en vertu de la loi, la Constitution actuelle vous interdisant de briguer un troisième mandat, et qui ne vous serait pas donné selon la voie prévue par la Constitution (élection) créerait une grave instabilité tant pour la fonction présidentielle que pour le détenteur de ladite fonction.

Les événements récents survenus dans notre pays démontrent que le peuple congolais n’est pas prêt à vous voir conduire le pays au-delà du mois de décembre 2016.

Il n’est pas superflu de rappeler les manifestations du mois de janvier 2015 lors desquelles beaucoup de congolais ont été tués par les forces de sécurité pour s’être levé contre une loi électorale qui risquait de consacrer «le glissement du mandat présidentiel ». En ce mois d’août 2015, le peuple du Kongo Central s’est opposé au discours de l’honorable NE MWANDA NSEMI qui a osé parler notamment d’une nouvelle transition politique qui serait conduite par vous.

Ces réactions du peuple sont des signes qui ne trompent pas.

Contrairement à ce que disent certains congolais qui soutiennent un troisième mandat pour vous, le peuple congolais veut l’alternance politique pour consolider la démocratie pour laquelle il se bat depuis plusieurs années.

Même dans votre propre camp politique, il y a des personnes qui veulent que vous respectiez la Constitution.

Elles n’ont pas le courage de vous le dire ouvertement, mais nous comprenons leur embarras.

Ceux qui veulent que vous restiez au pouvoir, ils le font plus pour eux-mêmes que pour vous. Ils ne vous défendent pas. Ils défendent leurs propres intérêts, car ils savent que sans vous, il leur serait difficile d’occuper les fonctions qu’ils ont actuellement et qu’ils n’auraient plus les avantages politiques et financiers qu’ils ont.

Contrairement à vous qui avez un encrage politique national, beaucoup de ceux qui vous poussent au troisième mandat n’aucune assise nationale, ils ne sont pas capables de mobiliser les congolais au-delà de leur tribu ou province d’origine.

Ce genre des congolais sont dangereux tant pour eux-mêmes, pour vous aussi, mais surtout pour notre nation.

Ils risquent de vous conduire vers l’exercice d’un pouvoir qui serait dépourvu de la légalité et de la légitimité.

3. Les troubles sociaux politiques (violation des droits humains)

Excellence Monsieur le Président de la République,

Un des congolais qui connait mieux le prix qu’il faut payer pour avoir la paix, c’est vous. En 2001, quand vous aviez pris la direction de notre pays, la République Démocratique du Congo était confronté à un conflit armé dans lequel beaucoup de congolais sont morts.

Grâce à vos efforts, à la résistance du peuple congolais, à la détermination des forces de sécurité et à l’accompagnement de la Communauté Internationale, la paix est en train de se consolider sur l’étendue de tout notre pays. Nous savons qu’il y a encore beaucoup à faire pour que la paix soit restaurée partout, mais le contrôle progressif du territoire par les forces de sécurité est une réalité.

Un troisième mandat pour vous signifierait que vous garderiez le pouvoir en violation de la Constitution, ce qui donnerait le droit à tout congolais de s’y opposer conformément aux dispositions de l’article 64 de notre Constitution.

Ce qui contribuerait énormément à la rupture de ladite paix.

Nous rappelant la manière dont les forces de sécurité avaient réagi aux manifestations de Janvier 2015, nous ne doutons pas que les mêmes forces de sécurité agissent de la même façon quand le peuple voudrait réagir contre un troisième mandat ou la prolongation de votre second mandat. Ce qui conduirait à des troubles politiques et sociaux dont personne ne peut imaginer les conséquences négatives tant pour ceux qui sont au pouvoir que pour le peuple.

En vous adressant cette lettre, nous pensons à ce qui se passe maintenant au Burundi à cause d’un nouveau mandat obtenu par le Président de ce pays dans les formes peu recommandables.

Les assassinats ciblés et l’instabilité socio-politique qui affectent ce pays nous interpellent en tant que citoyen, mais vous aussi en tant que principal dirigeant de notre pays.

Contrairement à ce qui se passe au Burundi, l’instabilité politique et sociale en République Démocratique du Congo risquerait d’affecter négativement tous les pays voisins, mais aussi toute l’Afrique.

Nous vous prions de faire extrêmement attention aux propos de certains congolais qui parlent de la possibilité de vous accorder un troisième mandat, sans en évaluer les conséquences négatives qui peuvent affecter la vie des simples citoyens qui n’ont aucune ambition politique et dont le plus grand désir est de vivre dans un pays en paix.

Excellence Monsieur le Président de la République,

En concluant, nous disons qu’accepter de briguer un troisième mandat ou de prolonger votre mandat actuel au-delà de décembre 2016 serait une décision grave et scandaleuse.

C’est une décision grave par ce qu’elle ouvrira une nouvelle période de crise de légitimité, elle exposera notre pays à des troubles politiques et sociaux qui ne seraient profitables à personne et où beaucoup de congolais risquent de mourir encore pour rien.

C’est une décision scandaleuse par ce qu’elle sera la remise en question de l’engagement que vous aviez pris devant le peuple congolais et devant le monde entier de respecter les prescrits de la Constitution.

Ce qui serait une remise en question de l’adage populaire qui dit que «Les grands hommes ou femmes d’Etat respectent la parole donnée ».

Nous croyons avoir accompli notre devoir citoyen.

Veuillez recevoir, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments de profond respect.

Pour l’ASADHO

Me Jean Claude Katende

Président National.

C.I : – A Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;

– A Monsieur le Président du Sénat ;

– A Monsieur le Premier Ministre ;

– A Monsieur l’Ambassadeur d’Allemagne ;

– A Monsieur l’Ambassadeur d’Afrique du Sud ;

– A Monsieur l’Ambassadeur des Etats Unis ;

– A Monsieur l’Ambassadeur de Belgique ;

– A Monsieur l’Ambassadeur de la République d’Angola ;

– A Monsieur l’Ambassadeur de la République du Congo ;

– A Monsieur l’Ambassadeur de Grande Bretagne ;

– A Monsieur l’Ambassadeur de France ;

– Aux Responsables des partis politiques(Tous)

– Aux Responsables des ONG nationales et Internationales(Toutes

Leave a comment

Your email address will not be published.


*