En RDC, les enfants qui arrêtaient les balles

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	L’école Moyo Mupeluke, à Kananga, accueille en toute discrétion une trentaine d’anciennes miliciennes et leur offre un programme de réinsertion par l’apprentissage de la couture. © Emeric Fohlen/Hans Lucas pour La Vie
L’école Moyo Mupeluke, à Kananga, accueille en toute discrétion une trentaine d’anciennes miliciennes et leur offre un programme de réinsertion par l’apprentissage de la couture. © Emeric Fohlen/Hans Lucas pour La Vie

Voyage au cœur du fétichisme, de la magie, de l’embrigadement et de la violence, au Kasaï, en RDC, une des régions les plus pauvres du monde.

Dans ce centre d’apprentissage de la couture tenu par des religieuses à Kananga, la capitale du Kasaï-Central, en République démocratique du Congo (RDC), rien ne distingue Julienne et Yvonne, 14 et 15 ans, des autres jeunes filles venues se former à leur futur métier dans des salles de cours vétustes. Même uniforme bleu et blanc, même politesse quand se présente un étranger à la porte de la classe. « Mais parfois, leur violence ressort pour des broutilles », confie sœur Clémentine, la principale, qui nous fait visiter cette école qu’elle porte à bout de bras avec très peu de moyens.

Comme 28 autres adolescentes sur les quelque 300 qui étudient dans l’établissement, Julienne et Yvonne sont d’anciennes Ya maama. C’est ainsi que l’on a appelé les jeunes femmes qui ont rejoint la milice du chef Kamwina Nsapu. Elles montaient en première ligne dans les combats qui ont opposé cette rébellion à l’armée, persuadées d’être dotées de pouvoirs magiques, notamment celui d’arrêter les balles avec leurs jupes et de les renvoyer vers l’ennemi. Dans un souci de protéger ces repenties, sœur Clémentine n’a pas révélé leur passé aux autres étudiantes. C’est donc dans son bureau, à l’abri des regards, qu’elles témoignent.

Soldats et victimes d’une guerre sanglante

« Dans les combats, j’étais devant pour faire fuir les militaires. Dès qu’ils me voyaient, ils décampaient », affirme Yvonne, qui avait 12 ans quand elle a rejoint le mouvement à Tshikapa, à l’autre bout du Kasaï, et reçu le « baptême » Kamwina Nsapu, une initiation magique censée donner des pouvoirs aux jeunes combattants. « Je pouvais aussi me transformer en oiseau ou en morceau de bois », lance-t-elle, persuadée de l’avoir vraiment fait. Julienne, cheveux courts et regard en biais, a choisi de rallier le groupe de miliciens car elle était maltraitée chez elle. Elle raconte son travail d’intendante dans son cyota,le campement de brousse où vivaient des jeunes de 5 à 22 ans. « Nous décapitions les militaires qui venaient nous attaquer et les gens des villages qui étaient contre notre pouvoir, nous buvions leur sang », explique-t-elle, en assurant que son rôle était seulement de stocker les têtes.

Comme Yvonne et Julienne, des centaines de jeunes gens, et même des enfants de 5 ou 6 ans, ont suivi la milice Kamwina Nsapu à partir du milieu de l’année 2016. Ils ont été à la fois les soldats et les victimes d’une guerre sanglante dans cette région oubliée de RDC, qui a commencé par un banal conflit coutumier. Les observateurs locaux peinent, eux-mêmes, à comprendre cette histoire complexe…

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