Culture de la machette, culture de la mort et du néant

« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites. » – Sun Tzu

Le Kongo-Kinshasa a une histoire. Elle a l’histoire des mains coupées. Il a l’histoire des sécessions et d’une dictature imposée de l’extérieur. Il a son histoire des machettes. Elle a son histoire de la résistance pour le triomphe des forces de la vie. Elle a encore lieu. Contre vents et marées.

Il est souvent pénible de voir nos jeunes et nos enfants s’affronter dans la rue à la machette depuis bientôt plus ou moins trois décennies. Comment expliquer ce phénomène ? Il est loin de s’arrêter. Il s’inscrit dans un contexte de guerre perpétuelle contre l’autodéfense populaire.

Un matérialisme mortifère

Il est souvent l’expression le lien entre  »les kuluna en cravates » venus d’ailleurs et/ou vivant à l’intérieur du pays, corrompus et compradores et  »les kuluna de la rue » appauvris par ce mode opératoire. Les deux groupes opèrent simultanément et se donnent la main. Ils partagent une même culture : celle du matérialisme sans bornes. Avoir le plus de biens matériels possibles au détriment d’autrui est leur philosophie de vie.

Cette philosophie est porteuse de la mort. Elle porte en elle les germes de son autodestruction. Car, l’accumulation des biens matériels sans limites se fait au détriment du plus grand nombre.  »Les kuluna en cravates » se livrant à cet exercice ne peuvent tenir le coup qu’ en neutralisant le plus grand nombre et/ou en le soumettant par la peur et la terreur au quotidien. D’où le secours qu’ils cherchent auprès des  »kuluna de la rue ». Cette complémentarité aveuglent les uns et les autres.

D’une part,  »les kuluna en cravates » qui sont  »aux affaires » s’entêtent à ne pas créer la justice sociale et redistributive ; de l’autre part,  »les kuluna de la rue » vivant des miettes qu’ils leur jettent augmentent en nombre. A un certain moment, ils risquent de devenir une armée dressée contre  »leurs créateurs ». Les prisons ne suffiront pas pour les contenir. D’ailleurs, ils pourront y rentrer et en sortir avec l’aide de leurs  »amis en cravates ».

Des démarches refondatrices

Cette culture matérialiste autodestructrice est nihiliste. Elle entretient, chez  »les kulunas en cravates » et chez  »les kuluna de la rue » , le goût de la mort et du suicide collectif. La cupidité, l’avidité et la convoitise sans limites qu’elle provoque trahissent le manque d’un fond spirituel indispensable à la culture de la vie.

L’armée, la police, les services de sécurité ne peuvent rien faire contre cette culture de la mort.  »L’évangile de la prospérité » n’y peut rien. Refonder l’école, la famille et l’université sur les valeurs du  »BOMOTO » dont la justice, la vérité et la solidarité indispensables à la cohésion sociale serait la meilleure voie. Pour y arriver, le changement du rapport des forces entre les minorités éveillées et les deux catégories des  »kuluna » est indispensable. Ils sont le ver dans le fruit du bonheur collectif kongolais. C’est une oeuvre de longue haleine.

On ne sort pas de plus de 130 ans d’esclavage, de colonisation et de néocolonisation indemnes. Ces paradigmes négatifs et de néantisation ont violé notre imaginaire collectif et ont produit chez plusieurs compatriotes la haine de soi et du nous collectif au point de les pousser à être les proies faciles des marchands de la mort. Un retour sur le soi individuel et le nous collectif dans une démarche de refondation nationale souveraine me semble indispensable.

Le fétichisme électoraliste fondé sur une démocratie chimérique ne s’inscrit pas dans cette orientation. Il constitue un mensonge partagé collectivement et entretenu par »des communicateurs » en manque de lucidité et de discernement.

Le Kongo-Kinshasa ne va pas inventer la roue

Les appels à un  »Occident collectif » impliqué dans la même démarche suicidaire sont des signes d’un infantilisme aveuglant. Le Mali et le Burkina Faso attendent qu’ils soient rejoints dans leur fière démarche de la souveraineté difficilement retrouvée, dans leur exigence de respect à l’endroit de leur politique émancipatrice et dans leur libre choix pour la défense des intérêts de leurs peuples respectifs. Ils ont fait un détour par des forums de refondation en recourant au soutien stratégique des  »Etats-civilisations ». Le Kongo-Kinshasa ne va pas inventer la roue.  »Un royaume divisé contre lui-même est voué à sa perte », dirait l’Etranger d’Emmaüs.

Une petite conclusion

Oui, c’est vrai. Guérir de la haine de soi et du nous collectif peut prendre beaucoup de temps. Les ascètes du provisoire devraient être appelés au secours par les jeunes, les hommes et les femmes de bonne volonté que le Kongo-Kinshasa a encore. Malgré tout. Heureusement.

Babanya Kabudi

Génération Lumumba 1961

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