Elections apaisées et/ou soumission au Congo-Kinshasa

 Il nous semble important de revenir sur l’un ou l’autre message écouté au cours de ces trois rencontres. Même si celle du 30 n’est pas aussi plébiscitée que les deux autres.
L’un des messages entendu à la rencontre du 29 juillet est que celui qui refuse le dialogue convoqué par JOKA (Joseph Kabila) veut le chaos. Pendant que ce message était livré, certains militants, eux, criaient en fustigeant le taux élevé du dollar sur le marché d’échange et la coût élevé du minerval pour les parents envoyant leurs enfants à l’école. (Rappelons que plus de 80% de Congolais(es) sont au chômage et plus de 8 millions d’enfants congolais ne sont pas scolarisés.)
Il y a là comme un certain malentendu : les préoccupations des hommes politiques congolais (de la MP) ne seraient pas nécessairement celles des masses populaires.Ce malentendu serait le signe du fossé existant entre ceux qui vivent de la ponction patrimonialiste des moyens de l’Etat failli congolais et les masses populaires condamnées à se débrouiller et à les applaudir pour avoir accès aux miettes qu’ils leur jettent de leurs tables. Néanmoins, ces masses finissent quand même par crier : »Wumela ». Est-ce par fanatisme, par dégradation mentale, par besoin de survie, par ignorance ou par tout cela à la fois ? Comment peuvent-elles croupir sous l’appauvrissement, la clochardisation et la misère et demander à ceux qui en sont de près ou de loin à la base de perdurer aux postes de l’Etat manqué qu’ils occupent ? A notre avis, ce larbinisme est entre autres le fruit des tares que nous venons de décrier combinées. Il est aussi le produit d’une lobotomisation entretenue à dessein par l’alliance entre  »les nouveaux prédateurs » et  »les vieux dinosaures cyniques ».
Sans une révolution culturelle bien pensée au niveau des technostructures congolaises authentiques,ce larbinisme continuera à provoquer des dégâts terribles dans le chef d’une bonne partie de nos masses populaires. Il y a un travail éducationnel de fond à entreprendre : un travail d’apprentissage réciproque entre les élites organiques et structurantes et les masses populaires.
Revenons encore à cette rencontre du 29 juillet. Pourquoi ses ténors prônent-ils le chaos au cas où le dialogue made in JOKA n’aurait pas lieu en en rendant ceux qui le refuseraient responsables ? A quoi sert ce chantage ?
La rencontre du 30 juillet, elle, a pu, à travers l’un des orateurs, définir, tant soit peu, les conditions à remplir pour des élections apaisées. Pour les initiateurs du  »chemin de la paix », le respect de la Constitution du Congo-Kinshasa et la convocation des élections 90 jours avant la fin du mandat de JOKA sont les conditions de possibilité des élections apaisées. Sur ce point, ils sont un peu proches des initiateurs de la rencontre du 29. Eux aussi disent que JOKA ne va pas violer la Constitution. Néanmoins, ils ne font pas de cela une condition de possibilité des élections apaisées. Pourquoi ?
Que cherchent-ils à travers le dialogue made in kabilie ? A qui pourrait-il profiter ?
La rencontre du 30, après avoir défini les conditions de possibilité des élections apaisées s’est fixé quelques objectifs à atteindre pour leur réappropriation congolaise : leur financement congolais, la fabrication des urnes par les congolais, l’enrôlement de nouveaux majeurs en recourant aux listes des écoles congolaises, etc. Au sujet du financement, cette rencontre a mené une réflexion interpellante. Bien que nos masses populaires soient appauvries, elle a fait remarquer que un nombre important de Congolais(es) arrive à payer les études de ses enfants, à organiser les deuils,etc. Il y a lieu de consentir des sacrifices allant dans le même sens pour une réappropriation congolaise des élections.
En indiquant  »leur chemin de la paix », les organisateurs de la rencontre du 30 juillet se disent prêts à traduire JOKA en justice pour haute trahison si, en tant que garant de la Constitution, il n’arrivait pas à peser sur les institutions concernées par les élections afin qu’elles aient lieu dans le délai.
Pour eux, le chaos et la guerre n’ont pas d’origine ethnique. Ils sont entretenus par ceux qui veulent faire main basse sur les richesses du Congo-Kinshasa avec la complicité des Congolais(es).
Cette deuxième rencontre pose quand même certains problèmes. Ses initiateurs ont mené une analyse suffisamment objective. Mais ils ont fait comme si le Congo-Kinshasa était un pays  »normal » ; comme s’il n’était pas  »Un Etat manqué » ; c’est-à-dire un Etat dont les institutions sont vides de contenu et de sens. Devant quelle juridiction congolaise pourront-ils accuser JOKA ? La justice congolaise est aux ordres du régime. Dans le cas contraire, JOKA aurait déjà arrêté. Le 26 novembre 2011, sa police politique tire à balles réelles sur les militants de l’UDPS à l’aéroport de Ndjili. Aucune enquête n’est menée sur ces assassinats. Où en est l’enquête sur le charnier de Maluku ? Limitons-nous à ces deux exemples. Ils disent suffisamment que la justice n’existe pas au Congo-Kinshasa. Si elle existait, les criminels de guerre et les criminels contre l’humanité impliqués dans la guerre ayant sévi dans les Grands Lacs de 1993 à 2003 auraient déjà été jugés. Ils ont initiateurs du génocide congolais.
Il est vrai que les organisateurs de la rencontre du 30 juillet vont beaucoup plus loin dans l’approfondissement des questions congolaises que ceux de celles du 29. Ils proposent le changement du chauffeur qui pilote le camion congo et celui du camion. C’est-à-dire la fin de JOKA et du système auquel il participe. Ils jettent les bases théoriques d’une alternative économique en en appelant à l’avènement d’une économie congolaise mettant l’homme congolais en son centre.
Néanmoins, à notre avis, ils se trompent sur la nature de l’Etat congolais actuel. Ils font comme s’ils ne savaient pas que JOKA n’a jamais été élu. Il a triché. Il a tiré des  »faux penalties » comme dirait Moïse Katumbi. Il pourrait leur être difficile de pouvoir appliquer les mesures qu’ils ont programmées.
Venons-en à la rencontre du 31 juillet 2016. Elle a drainé des millions de Congolais(es) autour de M. Etienne Tshisekedi. Au début tout comme à la fin de cette rencontre, un petit chant déjà entendu en 2011 lors d’un rassemblement des tshisekedistes au stade du 20 mai est revenu :  »Oooo ya Tshitshi eee, zongisa ya na rwanda ». Et quand Ya Tshitshi a pris la parole, il a donné à  »Ye »(JOKA) un préavis de trois mois. Tiens ! Est-ce encore un malentendu ? En 2011, Ya Tshitshi n’a pas pu répondre à cet appel. Soutenant que sa victoire électorale lui avait été volée, il avait demandé que JOKA soit attrapé et ligoté et qu’il lui soit ramené. Cela n’ a pas pu être fait. Pourquoi ?
Dans un article d’ Arnaud Zajtman intitulé  »il est minuit moins une à Kinshasa »(http://www.lalibre.be/debats/opinions/il-est-moins-une-a-kinshasa-51b8e0b5e4b0de6db9c48067), un début de réponse est donné à cette question. Une réponse un peu plus détaillée est donné par un journaliste d’investigation franco-camerounais, Charles Onana, dans son livre intitulé  »Europe, crimes et censures au Congo. Les documents qui accusent ». Le maintien de JOKA au pouvoir-os a servi les intérêts des multinationales, de certaines familles européennes et de Paul Kagame. Pour cause. Ses parrains en avaient encore besoin. L’ont-ils lâché ? Vont-ils soutenir Ya Tshitshi pour que l’expiration du préavis coïncide avec le départ de JOKA au Rwanda ?
Il semble qu’un deal doit être trouvé. Les parrains de JOKA ne voudraient pas se montrer ingrats à son endroit. Pour les services rendus, il doit être reconnu comme  »président du Congo-Kinshasa » et non comme  »un cheval de Troie du Rwanda ». Le quiproquo entre Ya Tshitshi et sa base risque de subsister. En acceptant d’aller au dialogue avec  »Ye » dans la respect de la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU, Ya Tshitshi risque de rompre avec sa base pour obéir aux créateurs de  »Ye ».
Que peut-il faire dans un monde où la justice internationale est aux ordres des parrains de  »Ye » ?
L’équation est difficile. Un échange avec sa base sur les enjeux réels aurait pu lui permettre de l’engager dans un processus du retour de  »Ye » au Rwanda. Malheureusement, cet échange n’a pas eu lieu. A quelques rares exceptions, l’un de ses proches, Mubake, en a parlé à Kinshasa au cours de ses matinées politiques. Ces mêmes matinées organisées sur l’ensemble du territoire congolais auraient pu aider les tshisekedistes à rompre avec le fanatisme et à devenir des masses critiques.
Sur ce point, nous avons que le chemin est encore long.
Ya Tshitshi a promis le lancement des actions pouvant aider le Congo-Kinshasa à se prendre en charge. Les matinées de Mubake sont l’une des meilleures références. Elles peuvent conduire au renversement des rapports de force. Celui-ci ne dépend pas du dialogue mené selon la résolution de l’ONU. Non. L’ONU est  »un machin » au service de la soumission des peuples par l’Occident dominé par l’hégémonie angolo-saxon néolibérale.
Vouloir aller au dialogue, à un dialogue encadré par l’UA(financée par l’UE), l’UE (caniche des anglo-saxons) et l’OIF, c’est commettre la même erreur que Lumumba en 1961. Une erreur fatale.
C’est témoigner que l’on a pas tiré toutes les conséquences de cette erreur fatale. C’est opter pour la soumission aux forces néolibérales de la mort rejetées par les populations occidentales. C’est opter pour l’écrasement des Congolais(es) par cette hégémonie néolibérale. Les Occidentaux qui le savent le disent sans ambages. Ils avouent que la mort entretenue ces derniers temps chez eux a partie liée avec les mesures austéritaires imposées par la néolibéralisme déshumanisant. A ce point nommé, lire Roland Gori disant comment, en Occident Daesh les emp^ches de voir qu’il pose une question politique. Il dit :C’est la thèse que je défends avec force : je crois que les théofascismes sont les monstres que nous avons fabriqués. Notre modèle de civilisation est aujourd’hui en panne. La bonne nouvelle, c’est que la vision néolibérale de l’humain est agonisante, moralement ruinée, qu’elle n’est plus crédible. La mauvaise nouvelle, c’est que son agonie dure. C’est la définition que Gramsci donnait de la « crise » : « c’est quand le vieux monde est en train de mourir, et que le nouveau monde tarde à naitre. Dans ce clair-obscur, naissent les monstres ». Nous y sommes.
L’idéologie néolibérale d’un homme « entrepreneurial » universel, guidé par sa raison technique et son intérêt économique, régulé par le marché et le droit occidental mondialisé, ne fait plus recette auprès des masses. Ce vieux monde les a appauvries et les fait souffrir tous les jours davantage. Ce néolibéralisme ne se maintient que par les structures institutionnelles de pouvoir, que par les affaires interconnectées de manière systémique, par les politiques des gouvernements acquis à cette cause. Mais les peuples n’en veulent plus. » ( http://www.legrandsoir.info/daesh-nous-empeche-de-voir-que-la-question-majeure-est-politique.html) Pourquoi cette théorie ne faisant plus recette en Occident nous a -t-elle été imposée et pourrait-elle continuer nous être imposée au Congo-Kinshasa par nos politiciens interposés ?
Le fanatisme ne nous aidera pas à comprendre que JOKA et ses parrains s’inscrivent dans la perspective de ce que la pape François nomme  »la guerre par morceaux ». En 1914 ou en 1939, c’est une même guerre. A la chute du mur de Berlin comme à l’attaque de l’Ouganda en 1986, c’est une même guerre. Une guerre pour l’argent, l’or, le cobalt, les terres, les forêts, les mers. Et surtout une guerre pour la domination des peuples. A cette  »guerre perpétuelle », on croit mourir pour la patrie, mais on meurt pour les industriels, comme dirait A. FRANCE (https://www.youtube.com/watch?v=QVJNpqXKMsA). Il est même arrivé que mystifiée, cette  »guerre par morceaux » soit présentée comme une bonne guerre (https://www.youtube.com/watch?v=DTNW0e2xVbM).
Oui. Le Congo-Kinshasa est en guerre. Et ses bourreaux recourent au fanatisme, au manque de voyance de plusieurs compatriotes pour nous vendre des chimères et éviter tout débat contradictoire. Tant que cette  »guerre par morceaux » durera, nous débattrons, sans peur.
Le fanatisme mobilise les passions et les affects. Souvent, il neutralise la capacité argumentative. Il verse dans la stigmatisation et la diabolisation.
Concluons provisoirement cette petite étude en disant que les journées du 29, 30 et 31 juillet ont été riches en  »évenéments ». Ceux-ci peuvent être décryptés en vue d’en saisir le sens. Souvent, qui sens, dit  »origine-orientation » et  »signification ». L’oubli de notre histoire avec  »l’autre », cette amnésie peut être lourde de conséquences pour notre devenir collectif. Réécoutons et relisons Frantz Fanon :
« Notre tort à nous, Africains, est d’avoir oublié, que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. » Et voici ce qu’il dit au sujet de l’ONU :
« En réalité, l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force brute a échoué.Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. »
Au vu de la situation de notre pays, ces deux citations n’ont pas pris une seule ride.
Mbelu Babanya Kabudi

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