Dialogue : le navire prend l’eau de toutes parts

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Après l’Opposition qui a suspendu sa participation aux travaux de la Cité de l’UA, c’est le tour du Palu d’Antoine Gizenga, allié de la MP, de rappeler ses délégués en « consultations ». La Société civile, regroupée au sein de l’Engagement citoyen pour la gouvernance démocratique et électorale de Jonas Tshiombela, actuel rapporteur du dialogue, menace aussi de tourner le dos à Kodjo. Du coup, le forum traverse une zone de fortes turbulences et ressemble à un navire qui prend l’eau de toutes parts.

« Chassez le naturel, il revient au galop», dit un vieil adage Edem Kodjo, facilitateur désigné de l’UA au dialogue politique, est en train de le vivre à ses dépens. Le Togolais s’est entêté jusqu’au bout, refusant de revenir à la raison, c’est-à-dire répondre aux exigences contenues dans la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’Onu.

Malgré tous les appels à la raison lancés par l’aile dure de l’Opposition, Edem Kodjo s’est montré inflexible et totalement aphone, prouvant par là qu’il s’est jeté dans les bras de la Majorité présidentielle, exécutant à la lettre le plan du glissement imaginé de longue date par les stratèges de la famille politique du chef de l’Etat.

Au moment où le dialogue présente des signes d’essoufflement, Edem Kodjo est tombé dans son propre piège.

Il paie le prix de ses propres turpitudes. Son péché, c’est d’avoir accepté d’accompagner la MP dans la réalisation de son forfait contre la Constitution du pays. Celle-ci nourrissait l’ambition de faire du dialogue politique un tremplin pour prolonger le plus longtemps possible le bail de son autorité morale, le chef de l’Etat Joseph Kabila. Elle a réussi à entraîner, à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes, certains acteurs politiques et activistes de la Société civile, dans ce schéma. C’est tout le sens du dialogue de la Cité de l’UA que les plus lucides, notamment les leaders politiques du « Rassemblement» continuent à rejeter, dénonçant notamment, le double jeu du facilitateur.

Aujourd’hui, les membres de l’Opposition qui ont accepté de siéger au dialogue de la Cité de l’UA, reviennent timidement à la raison. Autour d’Edem Kodjo, le navire se vide. Il commence à prendre l’eau de toutes parts.

KAMERHE, PREMIER À OUVRIR LA BOITE DE PANDORE
Visionnaire, la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) a été la première à tirer la sonnette d’alarme. Les évêques de l’Eglise catholique ont menacé de reconsidérer leur participation dès l’instant où ils se rendront compte de graves déviations par rapport à la Constitution et à la résolution 2277 des Nations unies.

A ce jour, la Cenco n’est pas encore passée à l’acte. Ce qui n’a pas été le cas de l’Opposition siégeant à la Cité de l’Union africaine qui est passée, lundi dernier, à l’action. Elle a suspendu sa participation à ces assises. C’est Vital Kamerhe, cc-modérateur de l’Opposition au dialogue, qui a pris le devant dans cette nouvelle bataille. Le président de l’UNC a rappelé en même temps que l’Opposition était disposée à revenir au dialogue si jamais la MP acceptait de donner priorité a la présidentielle dans la programmation du prochain cycle électoral.

Pour l’instant, le facilitateur et le groupe de soutien international à la facilitation multiplient des réunions pour tenter de trouver une voie de sortie. Hier mardi, le groupe de soutien international a eu des entretiens séparés avec des délégués de trois composantes au dialogue, a savoir la MP, l’Opposition et la Société civile.

Mais, la tempête est encore loin de s’apaiser. L’Opposition a campé sur sa position, estimant qu’il revenait à la MP de faire le grand pas pour décrisper la situation, notamment accepter d’aligner en priorité la présidentielle dans le prochain cycle électoral. Dans la MP, on continue à faire preuve de fermeté. Ce qui complique davantage les pourparlers.

LE PALU JAPELLE SES DELEGUES EN «CONSULTATIONS »
Pendant ce temps, à la Cité de l’UA, les mauvaises nouvelles s’enchainent. Du siège de Palu, l’on apprend que le patriarche Antoine Gizenga a décidé de rappeler en « consultations» tous ses délégués au dialogue. Dans une déclaration datée du mardi 13 septembre 2016, Antoine Gizenga indique que« Le PALU rappelle ses délégués en consultations pour des orientations claires susceptibles de contribuer rapidement la signature d’un compromis politique conforme à la volonté de notre peuple ».
Tout en exprimant « son inquiétude sur l’opacité autour des objectifs assignés à ce dialogue national », le Palu attend plutôt « partager à ce sujet avec son allié, le camarade Joseph Kabila, Président de la République et Chef de l’Etat, pour lui permettre de s’exprimer ouvertement à ce sujet dans les meilleurs délais ».
C’est dire que, même au sein de la MP, la crise couve. Apparemment, tous les adhérents et alliés de la MP n’émettent plus sur une même longueur d’ondes. Des secousses sont ressenties à mille lieues. Il faut craindre un spectaculaire retournement de la situation dans les tout prochains jours. La volte-face du Palu n’est que la face révélée de l’iceberg.

LA SOCIÉTÉ CIVILE N’EST PAS EN RESTE
Entre-temps, dans la Société civile présente au dialogue, les violons ne semblent plus s’accorder. Ça bouillonne. L’Engagement citoyen pour la gouvernance démocratique et électorale (ECGED), plateforme coordonnée par Jonas Tshiombela qui siège au bureau du dialogue comme rapporteur, menace, à son tour, de reconsidérer sa participation.

Dans une déclaration datée du 13 septembre 2016 et signée par Me Nickson Kambale, rapporteur, l’ECGED menace d’«engager ses membres présents au dialogue de suspendre leur participation à ses assises pour ne pas cautionner la tricherie boutiquée par la composante Majorité présidentielle et ses affiliés ». L’ECGED considère que la tentative pour la MP de commencer le cycle électoral par les élections locales, renvoyant à plus tard la présidentielle, est inacceptable. Selon cette plateforme, la présidentielle et les législatives nationales doivent « impérativement faire objet de priorité». « Faute de satisfaire à cette exigence non négociable », l’ECGED est prêt à quitter la table des négociations.

A l’instar du « Rassemblement » et d’Etienne Tshisekedi qui se sont totalement mis à l’écart du dialogue piloté par Edem Kodjo, l’ECGED «appelle ses membres et l’ensemble du peuple congolais à demeurer vigilant et mobilisé pour répondre, le moment venu, à l’appel qui lui sera lancé, si jamais les fondamentaux de notre jeune démocratie arrivait à être violentés par un groupe d’individus avides de se maintenir à tout prix au pouvoir».

Le sol est en train de se dérober sous les pieds de Kodjo. A la Cité de l’UA, le dialogue risque de se muer, comme l’ont prédit certains leaders du « Rassemblement», à un «monologue» entre la MP et ses alliés.
Par LE POTENTIEL

 

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