D’une prison à une autre

Depuis la guerre de l’AFDL et même un peu avant, le Congo-Kinshasa est une prison à ciel ouvert ; un pays où les choses se déroulent à l’envers. Les criminels de guerre, les criminels contre l’humanité, les criminels économiques et autres affairistes menteurs ont constitué  »un conglomérat transnational d’aventuriers » jetant en prison les voleurs de poules ou des compatriotes insoumis. Ce  »conglomérat d’aventuriers » ayant vidé les institutions congolaises de toute leur substance s’en sert pour perpétuer sa prédation et sa kleptocratie. Il tue et enterre les paisibles citoyens dans les fausses communes. Il organise le chaos pour assouvir sa soif de tuer et de voler impunément. Créer le chaos  »créateur » du désordre ne profitant qu’à lui et à ses parrains est son mode opératoire. A notre avis, nous situant dans cette perspective de  »la production des Etats ratés », passer de la prison de Makala aux quartiers populaires de Kinshasa, c’est à peu près la même chose. C’est passer d’une prison couverte à une autre à ciel ouvert.
La prison pourrait sommairement être définie comme un lieu où des citoyens et des citoyennes ayant commis des infractions sont retenu(e)s après que leur culpabilité ait été reconnue par les cours et les tribunaux. La durée de cette rétention est définie par la loi. Ils (elles) sont privé(e)s de certaines de leurs libertés et droits fondamentaux.
Dans des  »Etats normaux », la prison sert de lieu de rééducation avant le retour des prisonniers à la vie normale.
Il y a quelques semaines, nous avons entendu parler d’évasion des Congolais(es) de plusieurs prisons du pays en commençant par Kinshasa. Depuis lors, une chasse aux évadés est organisée.
Cette histoire a un aspect tragique qu’il faudrait prendre en compte. Pour cause. Depuis  »la guerre par morceau » menée au Congo-Kinshasa par les Anglo-saxons instrumentalisant plusieurs pays africains dont l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi ainsi que plusieurs proxies congolais, le Congo-Kinshasa est une prison à ciel ouvert.
Cette guerre de prédation menée par des proxies interposés a produit un  »Etat raté ». Explicitons. La guerre de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa ne se comprend pas facilement en marge de  »la production des Etats ratés » telle qu’elle est opérée par  »la machine de guerre anglo-saxonne »ou par l’Etat profond anglo-saxon après la chute du mur de Berlin en 1989, la fin de l’URSS en 1991-1992 et le discours de François Mitterrand à la Baule.
Ces repères historiques sont indispensables à la compréhension de la production des  »Etats ratés » servant la sécurité nationale américaine, le marché ultralibéral et l’unilatéralisme anglo-saxon.
La fameuse fin de  »la guerre froide » coïncide avec  »la production d’une longue série d’Etats ratés ».
L’implosion de la Yougoslavie a conduit à la transformation de la Bosnie, de la Serbie et du Kosovo en de  »petits Etats faillis ». Une base militaire US fut créée au Kosovo. Plusieurs autres pays ont emboîtés le pas à la Yougoslavie. Il s’agit de l’Afghanistan, du Pakistan, de la Somalie, de l’Irak, du Congo-Kinshasa, de la Libye, etc.
Ce rappel est indispensable à la compréhension de l’histoire actuelle du Congo-Kinshasa. Il a été produit comme  »Etat raté » au même moment (et après) beaucoup d’autres pays du monde.
Cette expression empruntée à Edward Herman signifie ceci : « Un Etat qui, après avoir été écrasé militairement ou rendu ingérable au moyen d’une déstabilisation économique ou politique et du chaos qui en résulte, a presque définitivement perdu la capacité (ou le droit) de se reconstruire et de répondre aux attentes légitimes de ses citoyens. » (E. HERMAN, Produire des « Etats ratés »)
La production des « Etats ratés » est une vielle tradition anglo-saxonne. Les Haïtiens et les Vietnamiens en savent quelque chose. Bref, disons qu’un « Etat raté » est incapacité dans ses fonctions régaliennes. Il ne peut assurer ni les droits économiques et sociaux, ni les droits politiques, culturels et environnementaux de ses masses populaires. Cela d’autant plus qu’il est géré par  »les nègres de service » de ceux qui l’ont produit.
Depuis la guerre de l’AFDL et même avant, plusieurs compatriotes cherchent à se cacher derrière leur petit doigt ; ils refusent d’étudier ce phénomène historique d’incapacitation de l’Etat congolais ou veulent tout simplement l’ignorer en se contentant de petites accusations haineuses des uns portées contre les autres. Ils nous révèlent jusqu’où l’hégémonie culturelle (occidentale) dominanteou veulent tout simplement l’ignorer en se contentant de petites accusations haineuses des uns portées contre les autres. Ils nous révèlent jusqu’où l’hégémonie culturelle (occidentale) dominante les a corrompus et anesthésiés.
Face à cette volonté d’ignorer et ce refus d’ apprendre, plusieurs attitudes sont possibles. Il y a  »la race des Bénédicte Ndjoko » qui a décidé d’expliquer toujours et encore ce qu’il y a. Elle se sert des réseaux sociaux et des livres. Elle organise les conférences, malgré tout. Il y a d’autres compatriotes qui ont décidé d’avancer avec les leurs (et des alliés) ayant compris que le Congo-Kinshasa n’est pas une île. D’autres encore, des élites organiques et structurantes ont décidé, contre vents et marées, d’être des poissons dans l’eau des masses populaires.
Depuis la guerre de l’AFDL et même un peu avant, le Congo-Kinshasa est une prison à ciel ouvert ; un pays où les choses se déroulent à l’envers. Les criminels de guerre, les criminels contre l’humanité, les criminels économiques et autres affairistes menteurs ont constitué  »un conglomérat transnational d’aventuriers » jetant en prison les voleurs de poules ou des compatriotes insoumis.
Ce  »conglomérat d’aventuriers » ayant vidé les institutions congolaises de toute leur substance s’en sert pour perpétuer sa prédation et sa kleptocratie. Il tue et enterre les paisibles citoyens dans les fausses communes. Il organise le chaos pour assouvir sa soif de tuer et de voler impunément. Créer le chaos  »créateur » du désordre ne profitant qu’à lui et à ses parrains est son mode opératoire.
Actuellement, il a une cible : les jeunes. Il veut à tout prix les soumettre à son pouvoir kleptocratique au service du marché ultralibéral. Plusieurs cerveaux congolais étant inversés à cause de la longue et épuisante oppression (de depuis 1885) ont fini par croire qu’ils étaient libres dans un « Etat raté ». Ils croient que s’évader des prisons congolaises est synonyme de respirer l’air de la liberté. Ils évitent cette question dérangeante : « Comment être libre dans un pays ou les droits socio-économiques, politiques, culturels et environnementaux sont ravis aux masses populaires pour le 1% de prédateurs (et leurs clients) ? »
A notre avis, nous situant dans cette perspective de  »la production des Etats ratés », passer de la prison de Makala aux quartiers populaires de Kinshasa, c’est à peu près la même chose. C’est passer d’une prison couverte à une autre à ciel ouvert. S’en rendre compte prend du temps. Le temps long de la remise de plusieurs cerveaux à l’endroit.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba

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