Les petits messages des réseaux sociaux

Si nos compatriotes n’ont pas lu la pensée critique occidentale, n’allez pas leur demander de lire Patrick Mbeko ou Jean-Pierre Mbelu sur les mêmes questions.
Ils vous parlent de l’unité de l’Afrique comme si le rêve s’était éteint avec Nkrumah et ses amis. Ils ne liront pas ce qui est dit sur Kadhafi à ce sujet. Et Mbeko a tout un livre sur Kadhafi. Si tu leur dit : « Lisez M. COLLON, Libye, Otan et médiamensonges. Manuel de contre-propagande, Bruxelles, Investig’Action, 2011. C’est moins de 200 pages. Ils vous disent qu’ils n’ont pas de temps. » Vous leur dites : « J’ai résumé tout ça dans  »A quand le Congo ? », avec mon ami Patrick Ifonge. Ils vous disent qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter ce livre. » Vous continuez. Vous leur dites. Lisez un article d’ Edward S. Herman,  »Produire les Etats ratés ». Ils vous répondent qu’ils n’ont pas le temps. Mais qu’ils sont convaincus que les petits messages dénigrants les Africains et les Congolais sur les réseaux sociaux sont vrais. Dialogue des sourds !
Il y a un phénomène que je cherche à comprendre. Dès qu’un Congolais ou une Congolaise reçoit un message dénigrant les Africains et les Congolais, il le redistribue rapidement. Souvent, le genre de ces messages traite les Congolais et les Africains comme étant des moins que rien. Et il est rare que les compatriotes qui font véhiculer ce genre de massage se rendent compte qu’il s’agit de la reproduction de ce que Bimwenyi a dénommé  »les pseudo-justifications » ayant servi de prétexte à la traite négrière et à la colonisation. Il est rare que ces mêmes compatriotes aient lu Aimé Césaire et son discours sur le colonialisme. On dirait que le paradigme de néantisation a encore bon dos.
Une anecdote. Un copain me présente ce genre de message. Je lui dis : « OK. Très bien. Je vais t’apporter ici le livre de Jack Goody intitulé « Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde. » Il refuse. Il dit qu’il n’ a pas le temps de lire un livre de plus de 400 pages. Le petit résumé qu’il a lu sur le dénigrement des Africains et des Congolais lui suffit.
Et il continue à me lire le petit résumé. Il finit par lire ceci : « Les Africains et les Congolais ne lisent pas les livres… ». Il s’arrête, me regarde et dis : « Là, tu es content ». Nous rigolons.
J’ai cité Jack Goody. Il y a plus. Edward S. Herman, Noam Chomsky, André Vltchek, Natasha Polony, Peter Dale Scott, Bertrand Badie, Emmanuel Todd, Isabelle Stengers, Jacques Sapir, Michel Collon, etc. sont des critiques de la pensée hégémonique occidentale de l’intérieur même de l’Occident. Ils ont la chance d’user de leur liberté d’expression dans un espace public où elle est reconnue. Même si cela n’est pas toujours facile. Leur pensée présente un avantage certain : elle aborde plusieurs questions mondiales à partir de la critique de l’unilatéralisme occidentalo-américain. Ils ont, à mon avis, les meilleurs critiques de la pensée ultralibérale, paradigme dominant le monde occidental. Ils ont un certain accès à une documentation leur permettant d’écrire en hommes ou femmes avertis. Leur relecture, à partir de certains éléments factuels de terrain, aide à réajuster le tir.
Je cite de manière non-exhaustive ces auteurs pour soutenir qu’il existe actuellement une pensée essayant, dans la mesure du possible, de se débarrasser du prétexte des clichés. Elle ne semble pas être très connue par les usages des réseaux sociaux. Sa méconnaissance joue, de l’une ou de l’autre façon, sur la lecture que certains fanatiques font du Congolais et de l’homme noir. Et cette méconnaissance réduit à rien les luttes et les résistances africaines.
Ces petits messages auxquels je fais allusion ont un aspect idéologique très marqué. Ils ne font jamais allusion à Nkrumah, à Amilcar Cabral, à Lumumba, à Thomas Sankara ni aux livres produits par les grands penseurs africains et congolais. Rien de tout cela. Ils veulent reconduire les clichés d’une Afrique et d’un Congo habités par des paresseux, des coureurs de jupons et de buveurs d’alcool. Ils reconduisent les clichés éculés d’une Afrique qui serait une  »terra nullius ». Et des compatriotes Africains et Congolais véhiculant ces massages sont loin de se douter que  »les messagers » disent que l’Afrique est le continent de l’avenir. Nos compatriotes ne comprennent pas que leur dévalorisation précède l’accaparement de l’Afrique sans ses filles et fils assimilés aux moins que rien. Terrible !
Si nos compatriotes n’ont pas lu la pensée critique occidentale, n’allez pas leur demander de lire Patrick Mbeko ou Jean-Pierre Mbelu sur les mêmes questions.
Ils vous parlent de l’unité de l’Afrique comme si le rêve s’était éteint avec Nkrumah et ses amis. Ils ne liront pas ce qui est dit sur Kadhafi à ce sujet. Et Mbeko a tout un livre sur Kadhafi. Si tu leur dit : « Lisez M. COLLON, Libye, Otan et médiamensonges. Manuel de contre-propagande, Bruxelles, Investig’Action, 2011. C’est moins de 200 pages. Ils vous disent qu’ils n’ont pas de temps. » Vous leur dites : « J’ai résumé tout ça dans  »A quand le Congo ? », avec mon ami Patrick Ifonge. Ils vous disent qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter ce livre. » Vous continuez. Vous leur dites. Lisez un article d’ Edward S. Herman,  »Produire les Etats ratés ». Ils vous répondent qu’ils n’ont pas le temps. Mais qu’ils sont convaincus que les petits messages dénigrants les Africains et les Congolais sur les réseaux sociaux sont vrais. Dialogue des sourds !
Voilà ! Il y a là un choix. Celui de la facilité. Il y a là une option : celle de la haine de soi perpétuelle. Que pouvons-nous faire contre une telle volonté d’ignorer, contre un tel refus de ne pas savoir ? Continuer à faire  »le Jean-Baptiste » : crier au désert avec  »un noyau » ayant la maîtrise des questions transnationale et transversale.
Mbelu Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

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