Assassinat des experts onusiens au Kasaï : graves zones d’ombres

 

Le procès des assassins présumés des experts onusiens Zaida Catalan et Michael Sharp a repris le lundi 17 juillet 2017 à Kananga sur un faux rythme. A ce stade, un constat malheureux est fait par les familles des victimes et leurs Etats d’origine (Suède et Etats-Unis d’Amérique) à savoir l’absence prolongée des témoins de premier plan.

Il s’agit notamment du Major Mbuara Issa, commandant des opérations au Kasai au moment de l’exécution sommaire des deux experts de l’ONU qui enquêtaient précisément sur les violences dans l’espace kasaïen et qui semblaient avoir réuni une abondante documentation à ce sujet.

Depuis l’ouverture du procès, l’homme est insaisissable. Aux dernières nouvelles, des sources militaires le donnent pour muté à Tshikapa. Géographiquement, il n’est pas loin de Kananga et si l’Auditorat militaire de garnison le veut, son transfert au lieu des audiences ne serait qu’une question d’heures.

Quant à Jean Bosco Mukanda, ancien enseignant converti en journaliste à la radio du député national Clément Kanku, un autre suspect déchu de son immunité parlementaire à la suite d’une requête du Procureur Général de la République qui s’apprête lancer des poursuites judiciaires contre lui, d’aucuns le considèrent comme l’une des pièces maîtresses du dossier. C’est lui, en effet, qui était le premier à annoncer l’assassinat de Zaida Catalan et Michael Sharp à l’opinion
tant nationale qu’internationale. C’est également lui qui avait fait des révélations fracassantes aux Nations Unies, aux FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo), aux Ong tant nationales qu’internationales ainsi qu’aux médias au sujet des circonstances exactes de la mort atroce des deux experts onusiens. Jean Bosco Makanda était allé jusqu’à la localisation de leurs corps mutilés, soutenant au passage avoir vu, de ses propres yeux, la tête coupée de la Suédoise, et portant des accusations graves contre les milices locales Moyo-Musuila et Mulumba-Muteba, auxquelles il avait
imputé la responsabilité du double crime. Interpellé à deux reprises par la justice militaire, ce témoin est toujours en liberté et absent aux audiences qui se déroulent à Kananga. Pourtant, un des prévenus,le soldat Evariste Ilunga, qui est
très visible dans la vidéo montrant la scène de l’exécution de Zaida
Catalan et Michael Sharp, réclame Jean-Bosco Mukanda à cor et à cri,
le considérant comme un témoin à décharge capable d’apporter la preuve
irréfutable de sa non participation à l’assassinat des deux experts de
l’ONU.
Beaucoup se demandent, au vu de ces troublantes zones d’ombres, s’il
sera possible à la justice militaire congolaise de faire éclater la
vérité dans le procès en cours à Kananga. Le doute est d’autant permis
que les principaux témoins, qui devaient éclairer les magistrats
chargés du dossier, restent dans l’ombre. L’auditorat militaire de la
garnison de Kananga se trouverait-il dans l’impossibilité de les
atteindre et une main noire les protégerait-elle ? En tous les cas, un
premier couac était enregistré dès le départ dans le dossier, avec
l’opposition du gouvernement congolais à la demande d’une enquête
internationale formulée par le Haut Commissaire des Nations Unies aux
Droits de l’Homme, les gouvernements des Etats-Unis d’Amérique et de
Suède, les familles des victimes ainsi que plusieurs organisations non
gouvernementales aussi bien nationales qu’étrangères. Le flou qui
entoure le procès des assassins présumés de Zaida Catalan et Michael
Sharp n’est pas pour dissiper les soupçons de complicité qui pèsent
sur des autorités congolaises, d’autant que la même opacité est
observée dans la gestion, par Kinshasa, du dossier des massacres des
milliers de civils dans le Grand Kasaï, dans un contexte qui n’est pas
loin du génocide.
Kimp

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