Crise humanitaire en RDC : pourquoi l’ONU désactive le niveau 3

Par / Jeune Afrique

L’OCHA a annoncé jeudi la désactivation, d’ici le 20 avril, du L3, le niveau d’urgence humanitaire extrême, attribué fin 2017 à la RDC. Un « rétropédalage », selon Kinshasa. Mais est-ce vraiment le cas ?

Lorsque la nouvelle est tombée, Léonard She Okitundu a dû se frotter les mains. Il y a deux mois, à New-York, le chef de la diplomatie congolaise s’était insurgé contre la décision prise le 20 octobre dernier par les Nations unies de classer la crise humanitaire en RDC au niveau 3 (L3) des urgences. Au même titre, à l’époque, que la Syrie, le Yémen et l’Irak.

Finalement, « le statut L3 sera désactivé le 20 avril », a indiqué le Britannique Mark Lowcock, patron du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), dans un communiqué publié le jeudi 5 avril.

L’annonce intervient dans un climat de tension entre l’ONU et Kinshasa, notamment autour de l’organisation, le 13 avril à Genève, de la première conférence internationale des donateurs sur la RDC. Depuis l’annonce de la tenue de cette grand-messe de récolte des fonds, le gouvernement congolais boude. Et refuse d’y prendre part, n’ayant pas été associé dans le processus de préparation de l’événement.

Il y a eu une exagération suspecte dans l’évaluation de la gravité de la détresse en RDC.

La pression de Kinshasa a-t-elle payée ?

Kinshasa conteste aussi les « données statistiques sur les personnes déplacées internes » mises à jour par OCHA, qu’il estime « non conformes à la réalité du terrain ». Les chiffres auraient été amplifiés pour justifier le classement de la RDC au niveau 3 des urgences humanitaires, laissent entendre les autorités congolaises.

« Il y a eu une exagération suspecte dans l’évaluation de la gravité de la détresse en RDC », explique à Jeune Afrique She Okitundu. Sans contester « l’effectivité de la crise humanitaire » dans les trois régions concernées par ce « L3 » (Kasaï, Tanganyika et Kivu), le vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères martèle que « les Congolais sinistrés ne sont pas du tout dans les mêmes conditions que les personnes sinistrées en Syrie ou au Yémen ».

« C’est d’ailleurs un rétropédalage révélateur, cette décision de l’ONU de désactiver le niveau 3 d’urgence humanitaire dans notre pays », poursuit Barnabé Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique du président Joseph Kabila. Le diplomate n’hésite pas à parler d’une « victoire des autorités congolaises » qui ont maintenu la pression sur les Nations unies. Fin mars, une lettre de protestation avait même été envoyée à Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Et si ce n’était qu’une « coïncidence » ?

Mais au sein du système onusien à Kinshasa, l’on explique que cette désactivation du « L3 » ne serait qu’une « coïncidence ». « Nous avons certes eu des pressions des autorités congolaises, mais il y avait déjà des débats entre organismes humanitaires sur l’opportunité, ou non, de reconduire ce plus haut niveau d’urgence humanitaire pour la RDC », confie une source proche du dossier dans la capitale congolaise.

Le niveau 3 était prévu pour six mois.

« En réalité, c’est plus une question technique, poursuit notre source. Lorsque le niveau 3 est activé, un certain nombre d’objectifs doivent être atteints avant de décider de la levée. Dans le cas de la RDC, ils l’ont été à 80 % ». Allusion notamment à quelque 1,1 million de personnes qui ont pu bénéficier d’une assistance humanitaire dans le pays entre octobre 2017 et avril 2018, selon les chiffres de OCHA.

Un autre objectif atteint depuis l’activation de « L3 » : la nomination fin 2017 d’un coordonnateur humanitaire adjoint en RDC.  » Il n’y avait donc plus besoin de prolonger ce niveau d’urgence qui était prévu, dès le départ, pour six mois« , rappelle une source au sein de OCHA.

Pour les humanitaires, la principale question demeure cependant le refus du gouvernement congolais à participer à la conférence internationale des donateurs de Genève. Une réunion qui vise à mobiliser 1,37 milliard d’euros pour financer les actions humanitaires en RDC.

« Avec ou sans le niveau 3, la crise humanitaire reste aigue dans le pays et des ONG confrontés aux mêmes défis pour secourir les personnes affectées, le L3 ne servant qu’à attirer l’attention des donateurs sur une situation donnée », souligne un expert humanitaire basé à Kinshasa.

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